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L'Africain
EAN13
9782070318476
ISBN
978-2-07-031847-6
Éditeur
Folio
Date de publication
Collection
Folio
Nombre de pages
124
Dimensions
17,8 x 10,8 x 0,1 cm
Poids
169 g
Langue
français
Code dewey
848.914
Fiches UNIMARC
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«J'ai longtemps rêvé que ma mère était noire. Je m'étais inventé une histoire, un passé, pour fuir la réalité à mon retour d'Afrique, dans ce pays, dans cette ville où je ne connaissais personne, où j'étais devenu un étranger. Puis j'ai découvert, lorsque mon père, à l'âge de la retraite, est revenu vivre avec nous en France, que c'était lui l'Africain. Cela a été difficile à admettre. Il m'a fallu retourner en arrière, recommencer, essayer de comprendre. En souvenir de cela, j'ai écrit ce petit livre.» J.M.G. Le Clézio.
« À l'âge de huit ans à peu près, j'ai vécu en Afrique de l'Ouest, au Nigeria, dans une région assez isolée où, hormis mon père et ma mère, il n'y avait pas d'Européens, et où l'humanité, pour l'enfant que j'étais, se composait uniquement d'Ibos et de Yoroubas. »
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La venue de Le Clézio à Brest d'inoubliables instants de bonheur

Indubitablement, on ne sort pas indemne d'une rencontre avec Jean-Marie Gustave Le Clézio ; écrivain, l'homme, est à ce point fascinant qu'il laisse son audi¬toire pantois. Comme médusé par l'étonnante sérénité de cet insaisissable aven¬turier des grands espaces qui depuis plus de trente ans ne cesse de tremper sa plume dans l'encrier de la condition humaine. Longtemps écrivain de l'errance, il semble aujourd'hui avoir trouvé son ailleurs dans ce Nouveau Mexique d'où il s'est spécialement déplacé pour répondre à l'invitation des Éditions Gallimard et de la librairie Dialogues. Evénement ô combien précieux tant l'auteur de la Quarantaine est plutôt rétif à apparaître publiquement sollicité par un vaste lectorat qui, de l'adolescente en fleur au docte universitaire, lui vouent tous une admiration quasi religieuse. Et ce ne sont certes pas les 800 fervents, entassés dans un amphi de la fac de lettres en cette mémorable soirée du 19 janvier 1996 qui en disconviendront.
Tel cet admirateur qui écrit : «merci de susciter, d'entretenir l'espoir, le goût de la lecture, le goût de la vie». Extraits d'une rencontre magique et chaleureuse entre l'un des plus grands auteurs de cette fin de siècle et ses lecteurs.
A l’heure de la célébration de son Prix Nobel, morceaux choisis de son intervention devant ses heureux lecteurs.

Pourquoi écrire ?

A chaque fois que je me suis posé cette question, la réponse est : «c'est une question que je ne devrais pas me poser puisque j'ai toujours écrit. J'ai commencé à écrire sans même savoir ce que c'était qu'écrire. J'écrivais parce que j'écri¬vais, parce que c'est ce que j'avais envie de faire. C'était tout juste après la guerre. Il n'y avait pas de papier en France. Je vivais avec mon grand-père, ma grand-mère et ma mère. Mon père était assez loin. On n'avait pas beaucoup de moyens, et surtout il n'y avait de papier. Alors il y avait le carnet de rationnement de mon grand-père, qui était imprimé d'un côté. De l'autre, il était blanc. Donc j'écrivais sur les pages blanches. On ne trouvait pas d'encre, pas de plumes. On ne trouvait que des crayons de charpentier, bleu d'un côté, rouge de l’autre l'autre. J'écrivais et je dessinais sur ces cahiers de rationnement. Ce qui fait que j'écrivais déjà des livres puisqu' ils étaient déjà reliés. C'était déjà la forme du livre même on garde l'objet. On n'aime pas jeter un livre. On peut jeter un journal. Le journal peut servir à envelopper des vieilles chaussures mais le livre n'a pas cet usage. Le livre peut avoir un usage décoratif puisqu'on dit que, parfois, on trouve des livres dont il ne reste que la reliure. Ils ont été entièrement vidés de leurs pages, ils ont été collés et on les place dans des cabinets de consultations de... dentiste (je vous dis ça parce que mon dentiste a une lampe sur son bureau, fabriquée avec des livres, qui sont collés, on ne peut pas les ouvrir, on ne peut pas les lire... C'est juste le socle de la lampe, mais ça ce n'est pas l'usage de la littérature). Il y a un autre usage de la littérature ; ça ne peut pas être que de la décoration. Encore que quand on dit «c'est un luxe», ça peut. Pour cette raison, je ne me suis jamais demandé pourquoi écrire des livres plutôt qu'écrire autre chose puisque j'ai commencé par écrire sur des papiers qui avaient la forme des livres. Ce n'est qu'après que j'ai su que c'était écrire, ça ! Avant je ne savais pas ce que c'était. Et ça m'a pris un certain temps pour comprendre. Et comme c'était des livres, je voulais que ça ressemble aux livres qui existent. Donc, ça prenait la forme du roman, parce que, aussi, c'est une autre question qu'on me pose : « Pourquoi écrire des romans ? Pourquoi ne pas écrire des poèmes ou des essais ? Pourquoi ne pas écrire un journal (un journal intime ou même un journal, avec la forme d'un quotidien ?). Non, j'avais le livre tout préparé. Il suffisait de trouver le nom de l'éditeur, que j'inventais, et de rédiger la table des matières. Ensuite le livre était prêt. Il ne restait qu'à écrire.

Qu’est-ce qu’il faut choisir d’écrire ?

Pourquoi écrire, c'est éliminé. La question ne se pose pas. Donc : qu’écrire ? C’est une question qui veut dire : qu’est-ce que c’est que la littérature ? Puisque écrire c’est faire de la littérature, c’est faire des lettres et les lettres forment la littérature. Cette question non plus n’est pas facile : qu’est-ce que c’est que la littérature ? Est-ce que la littérature, c’est une vieille dame respectable qui a tous les attraits de la respectabilité et en même temps quelque chose de difficile à aborder. Une vieille dame qu’on respecte, qu’on peut aimer, mais pour laquelle on ne peut éprouver peut-être peut-être une passion très très violente... ou en tout cas pas ce sentiment de passion ? Ou bien, est-ce que la littérature, c'est la culture ? Est ce que la littérature c'est quelque chose qui est créé de toutes pièces, qui ne se rapporte pratiquement à rien du réel mais qui valorise le réel... Une sorte de lutte du réel ? A cette question : qu’écrire ? Qu’est-ce que la littérature ? Là non plus je n’arrive pas véritablement à trouver la réponse. Je ne peux pas vraiment définir la littérature. Je peux dire ce qu’elle n’est pas ! Ce n’est pas le journalisme puisque c’est quelque chose qu’on ne consomme pas pour jeter ensuite. On en garde la trace ; on en garde le souvenir, et même on garde l’objet. On n’aime pas jeter un livre. On peut jeter un journal. Le journal peut servir à envelopper des vieilles chaussures mais le livre n’a pas cet usage. Le livre peut avoir un usage décoratif puisqu'on dit que, parfois, on trouve des livres dont il ne reste que la reliure. Ils ont été entièrement vidés de leurs pages, ils ont été collés et on les place dans des cabinets de consultation de... dentiste (je vous dis ça parce que mon dentiste a une lampe sur son bureau, fabriquée avec des livres, qui sont collés, on ne peut pas les ouvrir, on ne peut pas les lire... C'est juste le socle de la lampe, mais ça ce n'est pas l'usage de la littérature). Il y a un autre usage de la littérature; ça ne peut pas être que de la décoration. La décoration peut être cette rose qui donne son parfum à la vie et qui ne sert à rien en dehors de ça. Les roses ne servent à rien... Elles donnent un parfum, elles sont agréables. La littérature est peut-être agréable: Mais c'est peut être aussi autre chose. Peut être allez-vous m'aider à trouver la réponse, ou peut être n'y a-t-il pas de ré¬ponse ?

Comment écrivez-vous ?

Je sens qu'on veut dire par là : est ce que vous êtes conscient que vous avez un style ?
Ca c'est une question qui m'inquiète parce que je ne sais pas ce que c'est le style. Qu'est ce que ça peut bien être le style ? On a dit : «Le style, c'est l'homme», bon, d'accord. Mais ce n'est pas suffisant ça. Une fois qu'on a dit ça, on n'a rien dit. On a laissé la question en suspens, on a changé le point d'interrogation de place, mais la question se pose toujours. Est-ce que d’utiliser beaucoup d’adjectifs c’est du style ? Ou bien, est-ce que faire de très longues phrases sans ponctuation c’est du style ? Peut-être, mais ce n’est sûrement pas ça qu’on veut dire, parce qu’à ce moment-là ce serait juste une recette. Vous prenez n’importe quel livre, un livre de Sartre ou même un livre à phrases très courtes, ou un livre de Colette… vous supprimez la ponctuation, et vous avez changé de style. Donc, il y a quelque chose d’autre. La question du style reste en suspens. Est-ce que le style existe ? Il me semble que oui mais je ne peux pas dire ce que c’est. De toute façon, pour un écrivain comme pour tout le monde, la vie amène des changements… Les transformations tout au long de la vie d’un écrivain ou d’un poète, je crois que c’est ce qui fait le style. Si un poète commence de façon exubérante. Et qu’il termine de façon très austère, comme par exemple Max Jacob, c’est surprenant. Verlaine aussi c’est surprenant. Et même Rimbaud c'est surprenant. Donc il y a quelque chose qui a changé, qui s'est transformé et les adjectifs ne sont plus à la même place, mas ça reste la même personne. C'est, je crois, une question très importante parce que c'est ça qui fait que la littérature existe S'il n'y a pas de style, si l'on ne reconnaît pas cet imperceptible, si on ne perçoit pas ce petit détail qui fait tout le changement, alors c'est qu'il n'y a pas de littérature. C'est qu'il n'y a que des livres dont on peut aussi bien coller les pages. Ce n’est pas la peine qu'on parte davantage de littérature.

Est-ce qu’il y a un sens à donner au roman ?

Est-ce que le roman a un sens ? Ça veut dire qu'il y a quelques années on aurait dit : est-ce que c'est bien te roman engagé ? Ou bien, est-ce qu'il y a un message dans le roman ? Marc Twain, quand on lui suggérait qu'il pouvait y avoir un sens, il répondait de façon très abrupte : « Le premier qui vient me dire qu'il y a un sens, qu'il y a un message dans mes romans, je sors mon revolver et je te tue ». Il était expéditif ! Il n'admettait pas qu'on puisse donner un sens à ce qu'il écrivait. Ecrire des histoires, écrire des romans ou même raconter des contes, ce n'est pas pour expliquer le réel puisque le réel n'existe pas, on vient de vous le dire. Donc c'est pour autre chose. C'est peut-être pour celte incantation, peut-être pour ce plaisir de correspondre et de s'approcher de ce secret qu'est l'invisible irréel, mais pas de sens au roman, pas de message. On n'écrit pas un roman pour démontrer que les méchants sont méchants ou pour dire que la guerre est mauvaise. Si on veut dire ça, je crois que c'est d'une autre façon qu'il faut... j'allais dire prendre les armes… Il faut se soulever, il faut crier. il faut descendre dans la rue, mais le roman est un très mauvais moyen. Cela dit, le roman peut faire quelquefois des miracles. Mais il a changé des choses, parce que le roman à ce moment-là ne représentait pas le réel. Il représentait une incantation que les gens voulaient entendre. « La case de l'Oncle Tom », c'était pas la condition des Noirs, c'étaient beaucoup plus effroyable que ce qui est décrit dans «La Case de l'Oncle Tom », mais on ne pouvait pas dire aux gens ce que c'était. Les grands textes contre l'escla¬vage, c'était « Les Mémoires des Né-griers » : c'était impublié. Et les négriers qui tenaient des journaux dans lesquels ils racontaient ce qui se passait à bord de leurs bateaux, c'était effroyable. Mais jamais un roman n'a écrit ça, sauf peut-être un roman d'un réunionnais qui s'appelle –« Quimajenouat », intitulé « Les Marrons ». Mais ce livre a été interdit. Il a été censuré.

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