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Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

22,00
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29 juin 2017

Génial ! Je me suis régalé de bout en bout avec ce polar qui est d'une modernité incroyable, qui joue avec les nouveaux codes de communication, qui n'est pas tendre avec la société étasunienne -je pourrais largement étendre à nos sociétés européennes qui lui ressemblent- ni avec la vie en Inde, les castes, les codes qui semblent dépassés, les conservatismes. "Au croisement de la 73e Rue et de Roosevelt Avenue, deux chiens s'accouplaient, sous les encouragements d'un petit groupe de Pakistanais qui traînait devant le snack Kabab King. Les immigrés regardaient les chiens baiser dans la rue. Les Américains regardaient les Kardashian baiser à la télé. Voltaire avait raison. Il faut bien que les hommes aient un peu corrompu la nature, car ils ne sont point nés loups, et ils sont devenus loups." (p.56) Le constat d'Arun Krishnan est implacable sur les places de chacun, les minorités sont dans les postes les moins intéressants, ses membres ont tendance à se regrouper, ils sont victimes du racisme quotidien. Il l'est également sur la place des réseaux sociaux, sur l'ultra-connection, la technologie qui nous envahit. Le roman questionne sur le sens de la vie en société, sur les relations humaines, sur une certaine idée de société qui nous envahit : publicité à outrance sur tous les supports, multiplication de ces supports, ...

L'autre partie extrêmement réjouissante de ce roman, c'est la partie polar, thriller. Le narrateur est le tueur et il est glaçant, flippant dans ses obsessions, son manque d'empathie, sa psychopathie, ses desseins. Il tue presque par hasard, comme s'il était obligé, même pas par plaisir juste pour ne pas se faire soupçonner. Et comme il est distrait, il a tendance à laisser des indices contre lui, donc à tuer de nouveau. Tout cela est dit de manière assez légère, décalée, comique. Dans sa tête, le lecteur a droit à tous ses cheminements de pensée, ses délires, ses questions et sa manière d'envisager le monde en général et sa vie en particulier. Il faut dire que le jeune homme est né dans une basse caste indienne qu'il a été adopté et élevé par un homme bon mais effacé et une femme vicieuse et perverse, ce qui peut sans doute expliquer une partie de ses agissements. Arrivé aux États-Unis, il se retrouve dans un pays où chacun peut se comporter comme il le veut, mais Arjun est très introverti, inhibé et s'insérer dans cette population lui est difficile. Il réagit encore avec ses repères éducatifs et culturels.

Arun Krishnan dresse un portrait angoissant d'un jeune homme prêt à tout pour exister, pour réussir. Il le fait avec brio, alternant les moments de tension et pas mal de traits d'humour. J'ai été totalement accaparé par l'intrigue, le suspense et totalement incapable de prévoir la fin ; en fait, plusieurs options sont envisageables, je n'ai jamais su choisir et je me suis laissé porter par le romancier. Il m'a mené exactement là où il voulait dans un rythme loin d'être soutenu mais que je n'ai pas pu lâcher. Je l'ai lu attentivement, chaque mot, chaque phrase pour ne rien rater, pas un indice, pas une digression, pas une remarque du héros. Tout est passionnant : "En arrivant en Amérique, un immigré traverse trois phases. D'abord, il est démocrate. Après tout, c'est le parti le plus ouvert et le plus accueillant. Puis l'immigré commence à bien gagner sa vie et passe à la deuxième phase : il devient républicain. Comment ces pourris de démocrates osent-ils redistribuer sa richesse et étouffer la libre entreprise ? Quand l'immigré gagne plus de vingt-cinq millions de dollars, il passe à la troisième phase : il cesse de se soucier des êtres humains et commence à s'intéresser exclusivement aux baleines." (p.249)

Un polar formidablement traduit (Marthe Picard) et paru chez Asphalte. J'en fais un coup de cœur, un roman moderne et drôle, original avec une bande-son incroyable -il faut aimer le jazz ou au moins avoir envie d'en écouter- que vous pouvez retrouver sur le site de l'éditeur et que j'écoute en écrivant ce billet.

Conseillé par
29 juin 2017

Roman noir, roman sur la quête de l'identité, des origines et de l'histoire de ses parents. Peut-on en être fier ? Doit-on en avoir honte ou peur ou la rejeter ? Doit-on vivre avec le poids des fautes et des erreurs de ses parents, doit-on ou peut-on s'en affranchir ?

Voilà, c'est un peu tout cela ce roman et plein d'autres choses, sur l'amitié, l'amour, la haine, la vengeance, la trahison. Très bien fait, tout commence comme un séjour plaisant dans un charmant village espagnol et la tension monte crescendo, quasi imperceptible au départ puis de plus en plus prégnante. L'intensité est surtout due aux rapports entre les personnages, Paco et Arnaud en particulier. Au fur et à mesure qu'ils se découvrent et apprennent leur histoire leur amitié se renforce mais explose également. Paco est un sanguin qui réagit très vite, contrairement à Arnaud qui prend plus le temps de la réflexion.

Le rythme n'est pas haletant, c'est plus un polar d'ambiance que de situation. Point de courses poursuites, d'actions explosives, violentes, d'objets connectés -on est en 1957-, de bagarres à toutes les pages. L'Espagne est là, présente et très décrite. Franco est encore au pouvoir et l'on sent bien que les gens subissent, n'osent pas dire ou agir de peur de subir les foudres du pouvoir. L'homme fort de Teruel, représentant du caudillo, a les moyens de faire taire les plus téméraire; les plus combatifs.

Ce qui est très agréable dans ce roman, c'est le mélange bien dosé par Alain Delmas : le contexte géographique : Teruel et ses petites rues pittoresques ; le contexte culturel -même si je sais que ça va faire hurler de parler de culture à propos des corridas, mais il n'empêche que c'est culturel, même si l'on n'est contre la mise à mort de taureaux- ; le contexte historique : Franco est à la moitié de son règne, la guerre civile est encore récente et les blessures non refermées, les voisins peuvent s'être combattus durement et vivent maintenant à côté ; l'intrigue qui, si elle n'est pas insoupçonnable ni même hyper originale, est fort bien mise en scène et permet d'aller allègrement au bout des 288 pages sans jamais rechigner ; l'histoire d'amour compliquée est là également pour ajouter une part de drame et de douleur en même temps qu'une dose de sensualité, rien que la description d'Inès laisse le lecteur que je suis tout émoustillé.

Alain Delmas signe là son premier roman, publié chez Intervalles -beau choix-, très prometteur pour la suite.

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29 juin 2017

Expérience assez étonnante et enthousiasmante que d'ouvrir ce livre qui ne ressemble pas à un roman, ni à un guide, ni a un essai, en fait il ne ressemble à rien que l'on puisse mettre dans une case sauf à un livre, ce qui est facile pour le ranger... dans la bibliothèque donc. Dans un avant-propos, l'auteur nous renseigne sur la manière de lire son ouvrage : soit linéairement -ma méthode-, soit en allant de renvois en renvois, car chaque page paire est surmontée d'un repère -un mot qui fait titre- et chaque page impaire, celle sur laquelle il y a une photo, renvoie à d'autres repères du livre. On peut même piocher totalement au hasard ; de fait chaque méthode peut être la bonne puisque c'est au lecteur de lier tous les bouts des histoires des deux familles pour construire le roman. C'est gonflé mais très malin de faire appel à l'intelligence et l'imagination des lecteurs. L'écueil, c'est que parfois, je me suis un peu perdu, je ne savais plus trop qui parlait, comme quoi l'intelligence du lecteur a ses limites...

Globalement, j'ai bien aimé le roman, même si j'ai deux remarques. D'abord, tous les chapitres ne se valent pas, certains sont moins intéressants, moins tranchants. Mais certaines pages sont très belles : "Pourquoi deux personnes s'attirent-elles mutuellement ? Cette question laisse les êtres humains perplexes depuis la nuit des temps. Encore aujourd'hui nous en savons peu, sinon que l'attirance est, par nature, irrationnelle." (p.80), je vous laisse découvrir la suite. Ensuite, j'ai pu me perdre entre les différents narrateurs même si je me suis reporté plusieurs fois aux arbres généalogiques du début. L'ensemble est assez désabusé, pessimiste et morose et bien vu. La société étasunienne vue par ces deux familles n'est pas très en forme : divorce, drogue, mort, mais aussi quand même amour, liberté. Garth Risk Hallberg passe tout au peigne fin et décortique assez bien les rapports des personnages entre eux et leur place dans la société. Je ne suis pas spécialiste de ce pays, mais son analyse me semble fine et perspicace. Un pays qui met à sa tête un type comme D. Trump a forcément des pans entiers qui ne vont pas, et sans doute pourrait-on l'étendre à nous Français en ces temps électoraux qui ne nous préparent pas pour le meilleur même si le pire a été évité.

L'ouvrage quant à lui est superbe : les illustrations bien sûr et même les pages des textes, jamais blanches toujours agrémentées soit d'une teinte soit de dessins ou motifs. Un beau travail de qualité.

Si je ne suis pas totalement convaincu par le roman, je trouve l'exercice intéressant et stimulant, original et si je rajoute que pas mal de chapitres m'ont bien plu, je trouve que ce bouquin a un petit kekchose qui justifie le temps que j'ai passé à le lire et le regarder. Faites l'expérience, vous ne devriez pas le regretter.

Une enquête du commissaire Dupin

Les Presses de la Cité

22,00
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24 mai 2017

Quatrième enquête du commissaire Georges Dupin depuis cinq ans en Bretagne, en provenance directe de Paris. Après le très bon Un été à Pont-Aven, le Étrange printemps aux Glénan de même niveau et le un peu moins bon Les marais sanglants de Guérande, Dupin revient pour un bon cru. Si la Bretagne cherche un laudateur, un amoureux fou de cette région capable d'en faire une publicité très élogieuse, qu'elle ne cherche plus Jean-Luc Bannalec (écrivain allemand) est là. En bon chauvin (bon d'accord, je suis Nantais, mais quand même Breton), je suis évidemment tout à fait en accord avec tout ce qu'il écrit sur la région, sur les paysages à couper le souffle, sur la gastronomie -qui ne se limite pas aux galettes de sarrasin-, sur les Bretons gens étranges aux caractères bien trempés que semble bien aimer l'auteur : "Un point, cependant, était décisif : en règle générale, les Bretons étaient indifférents à l'eau du ciel. Une conduite très sage, selon Dupin. Ils n'étaient pas pour autant habitués à la pluie. Cette attitude reposait sur deux raisons essentielles : d'une part, il ne s'agissait tout de même que de météo. Il existait des choses plus importantes : la vie par exemple. Il ne serait venu à l'esprit de personne, ici, d'annuler l'une ou l'autre des nombreuses festivités traditionnelles à cause de quelques gouttes. D'autres part, les Bretons détestaient se laisser dicter quoi que ce soit par un élément extérieur, qu'il s'agisse du temps ou de mesures prises par un gouvernement centralisé. Une réplique était très populaire, quand on se plaignait du climat : "En Bretagne, il ne pleut que sur les cons."" (p.22). On frise parfois le dithyrambe, mais comme c'est dit par un non-Breton -qui mériterait d'être naturalisé ou au moins fait citoyen d'honneur- il faut le croire sur parole. Le contexte étant placé et formidablement décrit, qui prend une place très importante dans les romans de JL Bannalec, intéressons-nous aux personnages et à l'enquête. Georges Dupin est omniprésent et sa vie privée qui change est assez largement décrite. C'est bien, j'aime lorsqu'une série policière dresse des portraits assez forts et minutieux des personnages récurrents. On pourrait attendre un peu plus sur les collègues du commissaire, mais peut-être dans d'autres épisodes.

Pour l'enquête, elle avance doucement, toutes les pistes sont minutieusement suivies jusqu'à ce qu'elles débouchent sur des informations ou qu'elles soient abandonnées. Quatre jours d'enquête pour Dupin et son équipe dont sa fidèle et précieuse collaboratrice, puits de science bretonne, Nolwenn. Son adjoint Le Ber est assez calé également, et l'on apprend plein de choses sur les huitres, l'élevage, l'affinage, les différences entre les plates et les creuses, les différentes crises parfois très graves lorsque les exploitants sont vraiment menacés à cause d'une bactérie qui tue les mollusques. Vous ressortirez de ce roman en en sachant beaucoup plus sur l'ostréiculture et surtout avec l'envie de manger des huitres de Bretagne -mais pas que, il y a aussi tous les fruits de mer et toutes les spécialités qui font le bonheur des protagonistes. Finalement, ma seule -très relative- déception vient de la résolution de l'intrigue qui ressemble un peu à des choses déjà vues ou lues -ou alors c'est l'habitude de lire des polars et donc d'être moins surpris-, mais comme elle arrive en toute fin et que tout le reste est très bien, j'aurais tendance à pardonner au romancier. Néanmoins, s'il pouvait trouver des énigmes un peu plus pêchues, mon plaisir serait décuplé.

Un petit voyage en Bretagne vous tente ? Laissez-vous faire, Jean-Luc Bannalec et Georges Dupin vous guident.

Conseillé par
24 mai 2017

Polar allemand et très drôle. Une douce folie, un humour décalé, déjanté qui me font de l'effet à quasiment toutes les pages. Un coup les personnages totalement barrés, Franz en premier qui ne sait jamais s'il doit enquêter ou pas, qui a tendance à toujours croire le dernier qui a parlé. Sa Mémé ensuite qui lui impose de l'emmener dans tous les magasins du coin dès qu'il y a une promotion, quelle qu'elle soit. Son père, anti-tout sauf les Beatles qu'il écoute très fort et en boucle, sauf le joint qu'il allume dès que son fils de flic rentre, sauf les manifestations auxquelles il participe, peu importe le motif, il faut que ce soit une manifestation. Son frère Léopold qui en fait des caisses pour être le préféré du père. Et tous les habitants de Niederkaltenkirchen, du boucher au plombier en passant pas la secrétaire de mairie, plan cul de Franz (et vice-versa). Une autre fois, les situations, toutes plus cocasses les unes que les autres : les morts des Neuhofer, pas banales ou cette soirée où la femme de Léopold fait des avances à Franz : "Un moment, je sens son pied à travers son collant sur mes parties intimes, tant et si bien que les yeux m'en sortent de la tête. Je dois tousser, j'ai du mal à avaler ma quenelle qui se coince dans ma gorge. Quand je me lève, un fil mauve de son collant est coincé dans ma fermeture éclair et son bas est filé. Et bien que la Mémé hurle : "Regarde mon garçon, tu as un fil mauve à ta braguette ! " et plus tard : "Regarde Roxanna, tu as une maille filée à ton collant ! ", personne ne remarque rien." (p.15). Ou encore cette soirée où Franz est appelé par la supposée propriétaire du domaine Sonnleitner qui a vu du monde dans sa propriété : "Bon, alors je relève d'abord les identités. [...] Prénom : Mercedes. Mercedes ! Benz ! Vingt-huit ans, un mètre soixante et un, soixante-deux, cinquante et un kilos. Cheveux brun foncé. Yeux bleus. Elle répond impeccablement à tout. Ce n'est qu'à la question sur le tour de poitrine qu'elle marque la surprise." (p.21)

Mon ami Eric est au moins aussi enthousiaste que moi; allez voir son blog Débredinages.

Ajoutez des dialogues savoureux, des décalages permanents et ce côté looser de Franz qui le rend à la fois sympathique, attachant, touchant et très chanceux et vous obtenez un roman réjouissant de bout en bout. On me dit que Rita Falk a écrit toute une série avec Franz Eberhofer. Cette Choucroute maudite date de 2010, si Mirobole a l'excellente idée de traduire et publier les autres, je suis preneur les yeux fermés -juste rouverts pour lire. On me dit aussi -décidément on est bavard- que des films ont été tirés de cette série et notamment du roman en question -mais disponibles en allemand, ach, mes vieux reste de germaniste médiocre ne suffiront pas, il faut que je trouve une version sous-titrée-, j'ai vu une bande annonce qui semble très fidèle : je veux le voir !