Deux femmes, une mère et sa belle fille se font face. La première se méfie de la seconde qui essaiera de l’apprivoiser : une histoire banale au premier abord. Mais ici il s’agit de plus que de la simple confrontation autour d’un fils et d’un mari chéri. C’est une farouche bataille autour d’un héritage qui commence, celui du rêve américain d’une émigrée roumaine qui refuse que son fils se laisse détourner de son devoir de réussite par une Française fascinante mais ignorante des sacrifices. Sans fanfare Catherine Cusset dresse un portait remarquable de justesse de deux femmes, appartenant à deux générations différentes. Un roman très bien construit, à l’écriture pleine de charme et de finesse.

Un professeur de littérature en Sorbonne mène une existence paisible jusqu’au jour où un homme lui affirme qu’il détient les clefs de sa propre identité : il est le fils de l’homme qui accueillit notre professeur lors de ses études en Allemagne à la fin des années soixante. Jérôme Lafargue plonge alors dans les souvenirs de ces années exaltantes pour certains à l’Ouest, mais aussi, de l'autre coté du mur, violentes et cruels. Tout en avançant dans l’énigme que cet homme lui propose, s’éclaire aussi l’histoire d’une époque traversée de contradictions et de mouvements opposés, où il fut parfois difficile de faire le choix de la juste cause. Un beau roman réussi sur la génération européenne des années 68.

Alors que le narrateur-auteur se promène en Amérique du Sud, au détour d’une visite au musée, il découvre un portrait peint par Manet, « Pertruiset, le chasseur de lion ». Notre auteur entreprend à son tour et à sa manière d’écrivain d’en faire le portrait. Objet d’inspiration étrange que ce Pertruiset qui en vérité n’est le genre d’aucun des deux artistes. Les aventures rocambolesques de ce vantard à travers le vaste monde sont le prétexte idéal à l’humour et à l’érudition : car pendant ces séjours parisiens Pertruiset croise dans les soirées et les guinguettes les créateurs les plus illustres de son temps, Manet, Villiers de l’Isle Adam, Mallarmé et d’autres. A travers ce personnage Olivier Rolin s’attache donc à nous rendre sensible une époque qui fut celle d’une création effervescente mais aussi celle de la débâcle et la révolution avec la défaite de 1870. Un grand plaisir de lecture.

Un homme se promène dans Paris à l’annonce du déclenchement de la première guerre mondiale, observe l’enthousiasme de la foule prête à en découdre et devient lui-même acteur d’une des plus grandes scènes macabres de l’histoire. Jean Dartemont, jeune homme parmi tant d’autres raconte avec minutie sa guerre, les événements qu’il traverse, les hommes qui sont ses camarades de tranchées ou d’hôpital, les ravages physiques et psychiques de la violence à laquelle ils sont quotidiennement exposés. Le tragique et l'humour se mêlent étroitement dans ce texte jamais ennuyeux pour dépeindre avec une justesse remarquable une aventure à la fois barbare et grotesque. Ce roman écrit en 1930 fut longtemps interdit par la censure. Le Dilettante a eu raison de republier ce qui n’est pas seulement un précieux témoignage mais aussi une grande œuvre romanesque.

Joan Ogden, enfant brillante vit entourée de sa sœur Milly et de Mr et Mrs Ogden, ses parents dans la calme, si calme bourgade de Seabourne dans le Sud de l’Angleterre au début du siècle. L’avenir pour cette jeune fille pourrait être radieux et inédit si ce n’était l’époque, ses traditions et ses préjugés et les liens filiaux qui l’attachent plus sûrement encore à ce lieu sans avenir. Tout au long du récit Hall évoque tour à tour les décisions, les revirements de son héroïne, son combat intérieur désespéré pour se libérer, tenter de vivre ce qu’elle désire pour elle-même. Au fil des pages l’étau se resserre autour de cette enfant, puis jeune fille, puis femme que l’on attend ailleurs mais qui malgré elle n’emprunte pas le chemin de la liberté. Les passions qui couvent, les ressorts psychologiques qui lient les personnages entre eux sont décrits avec une grande finesse et font de ce roman le digne héritier des grands romans psychologiques anglais.