Ours à problème
Le roman se déploie à travers deux périodes temporelles dans la vallée de l’Ariège.
Nous suivons Jules en 1889, saltimbanque « dresseur d’ours » partant s’enrichir aux États-Unis. De nos jours, Gaspard et Alma, fascinés par la montagne : Gaspard s’occupe de la transhumance tandis qu’Alma tente d’apporter des solutions en faveur d’une cohabitation entre les villageois et les ours réintroduits.
L’ours, emblématique des Pyrénées, divise la population en raison de ses attaques sur les troupeaux. Le roman explore cette controverse tout en décrivant au plus près les conditions de la vie pastorale, la domination, la désillusion.
Les bergers grimpent, la tension monte….
Le parcours de Jules, semé de rencontres et d’embuches, la culpabilité de Gaspard qui ne guérit pas, la ténacité d’Alma ; rendent les personnages attachants.
Récit très documenté et précis. Une lecture incontournable pour ceux intéressés par l’histoire, la montagne et les enjeux de conservation de la faune sauvage.
« L’estive offrait toute la palette des expériences sensorielles »
« Alma sourit. Elle allait se glisser dans les pas de l’ourse, dans sa peau, un projet rêvé pour une naturaliste, et devenir animale »
« Tu vois, souvent j’ai peur de n’avoir pas assez transmis…. Qui va garder les histoires des anciens ? »
Reine des glaces
Christa hérite, à la mort de ses grands-parents, de la tutelle de sa mère biologique, internée depuis des décennies, comme « mise en veille ». Elle découvre qu’elle est génétiquement liée à sa mère par une maladie neurodégénérative, privant le patient de ses émotions. Christa est décidée à en découdre.
80 ans plus tard, le monde est transformé par le transhumanisme et le roman prend la forme d’un débat sur la conscience des machines et les attentes de l’humanité envers l’avenir.
L’invention fictive de la maladie de Damasio sert de base à un récit original centré sur une quête identitaire à travers les aspects scientifiques tels que la mémoire, la neurobiologie et la génétique.
Le rapport aux émotions et sentiments est le fil rouge de ce roman qui pourrait s’apparenter à un essai, la partie romanesque laissant la place à la quête scientifique et l’intelligence artificielle.
Une réflexion complexe sur les technologies d’aujourd’hui et du futur…. Leur appropriation et leur exploitation par l’homme.
Pour des lecteurs gourmands de science et biotechnologies, rigoureux pour une lecture intense.
« Sais-tu seulement jusqu’où je t’aime ? Jusqu’à l’infini. Aller et retour. Deux fois »
Quête maternelle
Le roman se déroule à la fin des années 70 en Angleterre et en Jamaïque.
Yamaye réside en périphérie de Londres avec son père, occupe un poste à l’usine en semaine et fréquente le week-end la Crypte, club underground vibrant au son de la musique jamaïcaine. Elle y tombe amoureuse de Moose. Cependant, un évènement tragique vient bouleverser son existence…
Yamaye doit affronter la brutalité policière, le racisme, la violence des gangs, tout en aspirant à retrouver sa liberté. Sa connexion avec les âmes disparues lui offre une échappatoire salvatrice.
Le récit, très réaliste, oscille entre l’intime, le politico-social, imprégné de lyrique et de patois du début à la fin. L’histoire mêle habilement humour, déboires, passion et désillusion.
La culture caribéenne est mise en avant, notamment le dub reggae qui résonne dans les clubs. L’amour, la douleur, l’injustice, les émeutes, la peur, la suspicion et la délation sont autant de thèmes explorés dans cette œuvre
L’écriture est vibrante et déterminée, bien rythmée.
« Arasa guide Moose à travers la ville, une ville de temples sikhs, d’églises, de mosquées, de tours. Le cimetière de la Résurrection. Chez nous, il y a plus d’ossements que de vivants »
« C’est une des raisons pour lesquelles je reste là. Je veux pas être loin de ce qui reste d’elle. J’attends qu’Irving m’en dise plus. J’attends qu’il m’aime de la même manière qu’il a dû l’aimer, elle, avant »
« Le seul endroit à vivre et se déchaîner, c’est dans nos cœurs »
Chercher Léo
Alex, Jacques et Margot sont trois amis inséparables vivant à Paris depuis longtemps. Le roman débute avec le départ d’Alex pour la Bretagne.
La bascule après la quarantaine ? Alex étouffait dans la capitale, le changement est radical face à dame nature. Elle aspire à la solitude, au travail paisible, à s’écouter penser, à savourer la musique, les livres. Jacques vieillit en célibataire. Margot, instable, autodestructrice et fuyante, est hantée par un secret d’enfance dont la terreur reste tapie en elle…
Désormais, le temps ne s’écoule plus de la même façon pour le trio.
Les portraits psychologiques sont fouillés et la découverte de leurs traumatismes addictive.
Malgré un départ un peu lent, l’intrigue devient rapidement captivante, abordant des thèmes profonds tels que l’amitié, la quête de sens, le changement de vie, la solitude individuelle et les cicatrices du passé… Des questions existentielles.
La vie autrement est possible comme en témoigne le confinement.
C’est une invitation à rester seul face à ce qui se passe en soi, à se concentrer sur l’essentiel : la paix.
« Tous ceux qui essayent de la retenir la perdent, et tous ceux qui l’ont aimée n’ont vu que ce qu’ils voulaient et n’ont pris que ce qui les arrangeait »
« Elle ne rentrera à Paris que si la ville redevient un labyrinthe de poésie vitale qui peut surgir à chaque coin de rue ou que le monde de la nuit retrouve une flamboyance.
« Elle avait creusé une partie de la nuit, pendant que sa sœur et ses parents cherchaient Baba dans d’autres directions. Elle avait 17 ans et pas de cerveau »
« L’amour ne sauve pas. Il ne suffit pas d’aimer pour arriver à construire à deux »
« L’embochée »
Chartres 1944.
Simone Grivise a 23 ans, est arrêtée pour conduite antinationale, soumise à une tonte humiliante en public au lendemain de la seconde guerre mondiale.
« La Tondue de Chartres » du photographe Robert Capa a inspiré ce roman à Julie Héraclès qui nous offre une rétrospective de ces 23 années de vie. Elle présente Simone, la mère, le vieux, la sœur…. Les rencontres qui l’ont influencée. Toute jeune, elle se démarque par sa rébellion, sa naïveté teintée d’une détermination farouche à échapper à sa condition modeste. Elle fait rapidement des choix personnels et audacieux et apprend de ses déboires.
La maîtrise de l’écriture, la narration prenante et rythmée, ainsi que la fluidité de l’alternance des époques, font que le lecteur dévore le parcours de Simone et s’attache aux autres personnages. L’intrigue conserve, malgré la fin annoncée d’emblée, le suspense tout au long du récit.
Premier roman historique et romanesque de l’auteur, une réussite, dont l’objectivité sert avec brio une mise au point sur le destin d’une femme assoiffée d’avenir et prête à tout par amour.
« Ces visions m’assaillent depuis des jours. Elles dansent la gigue dans mon cerveau, elles me trouent les entrailles »
« Mon estomac broie du rien et ça fait un mal de chien »