La France va très bien

Le pays d où je viens était un beau pays. Il avait tout pour lui : une longue histoire et pourtant l ardeur de la jeunesse, le prestige, la puissance et la gloire. S il faisait un peu trop facilement la leçon au monde, il lui donnait souvent l exemple. On l appelait la France.
Le monde qui nous entoure ne redoute pas plus les armes de la France qu il n admire ses lois, qu il ne suit ses modes, qu il ne parle sa langue ou qu il ne s intéresse à ses débats. Le pays où je vis n est plus qu un agrégat de communautés désunies et de corporatismes déchaînés, sans projet, sans perspectives, sans autre ambition que de passer entre les gouttes de l histoire et de se diluer dans l anonymat des grands ensembles. Avec le souvenir de son passé, il semble avoir perdu la conscience de son identité et sa confiance dans l avenir.
Frileux, craintif, mesquin, ricaneur, sceptique, grognon, geignard, morose, veule et pourtant intolérant, recroquevillé sur lui-même, le pays où je vis n est plus que l ombre de ce qu il fut. Encore semble-t-il avoir peur de cette ombre même.
Le pays où je vis, comme un vieillard vers la maison de retraite, s achemine à petits pas vers sa mort.