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Clara

http://claraetlesmots.blogspot.fr/

Une lectrice sans prétention, amoureuse de la vie qui habite au bout du monde (ou presque). Et un blog pour parler lectures : http://claraetlesmots.blogspot.fr

La Contre Allée

12,00
Conseillé par
8 avril 2019

Le dernier roman de Maylis de Kerangal Un monde à portée de main m’avait laissée dubitative. Bien sûr, j’avais eu plaisir à retrouver son écriture mais la technicité qu’elle avait réussi à rendre passionnante dans Naissance d'un pont m’était apparue aussi froide que la lecture d'un mode d’emploi.

Avec Kiruna, à mi-chemin entre le carnet de voyages et le reportage littéraire, la magie a de nouveau opéré.

"J’ai cherché une mine comme on cherche un point de passage dans le sous-sol terrestre, un accès aux formes qui le structurent, aux matières qui le composent, aux mouvements qui l’animent, à ce qu’il recèle de trésors et de ténèbres, à ce qu’il suscite comme convoitise et précipite comme invention. Je l’ai cherchée comme on cherche la porte de cet espace inconnu sur quoi s’appuient nos existences, espace dont je ne sais s’il est vide ou plein, s’il est creusé d’alvéoles, de grottes ou de galeries, percé de tunnels ou aménagé de bunkers, s’il est habité, s’il est vivant. J’ai voulu vivre cette expérience, j’ai voulu l’écrire : je suis partie à Kiruna. "

Si Kiruna est une ville de la Laponie suédoise, c'est surtout avant toute chose une mine. La ville est venue se greffer à ce poumon industriel et à sa population de miniers. La mine centenaire est devenue souterraine depuis 1965 et désormais elle ne peut plus supporter désormais le poids de la ville et de ses infrastructures. Alors un projet aussi fou qu’il puisse apparaître est né, celui de déplacer la ville : "Intimement liés, les destins de la mine et de la ville sont désormais pris dans une même impasse : si la mine continue de s’étendre sans que rien ne bouge, les habitants, menacés, finiront par vider les lieux. Or la mine a besoin des hommes pour fonctionner, et du cadre de vie que leur donne la ville pour les retenir dans cette région des confins, enfouie dans la nuit polaire ou baignée du soleil de minuit."

Dans les entrailles, au cœur de la mine mais aussi à l'extérieur, l'auteure hume l’atmosphère qui y règne, s'en imprègne. De ses rencontres et de l'histoire minière, Maylis de Kerangal ausculte et sonde les lieux. Sans que cela soit indigeste, elle nous restitue les contextes historique et économique par petites touches. En captant les ambiances, elle nous dresse un portrait complet de Kiruna et lui confère une âme, la rendant vivante. Des premières cantinières dans ce milieu masculin à Ing-Marie foreuse de mine, on découvre également des femmes fortes dont certaines sont de véritables pionnières.
Magnétique, charnel et saisissant avec des émotions et un vrai sens de la musicalité, ce livre est tout simplement superbe.

JC Lattès

18,90
Conseillé par
4 avril 2019

Je crois que je n’avais pas été pas aussi enthousiasmée par un recueil de nouvelles ou un premier roman français depuis longtemps. Trop longtemps d'ailleurs mais ce livre a été au-dessus de toutes mes espérances et même plus. Avec une vraie patte, un style qui m’a embarquée.
Et si j’ajoute en plus que je n’ai eu aucun bémol, mais pas un seul, et que j’ai tourné les pages avec avidité et une certaine fébrilité, vous pouvez comprendre ma joie.

À travers ces portraits masculins, les armures et les carapaces tombent. Ils s’appellent Théo, Bastien, Fred, Antoine ou encore Karim, peu importe à vrai dire. Ils sont jeunes ou ont roulé leurs bosses, ils ont souvent caché leurs émotions, les ont ravalé par fierté ou par pudeur.
Car il est question d’amour décliné : la rencontre qu’il n’espéraient pas ou qu’ils n’attendaient plus, la première fracture, l’usure du couple par les années, la séparation ou le deuil.
Ils recherchent l'amour, l'apprivoisent ou l'ont perdu. Ils se sont attachés à un enfant qui n’est pas sur leur livret de famille ou veulent fonder une famille avec de l’amour à donner et à partager.
Ils ont été désignés coupables ou quelquefois absents, rejetés. Ils se sont sentis défaillants ou trahis. Ils ont été loyaux ou infidèles. Ils sont maladroits ou habiles, ils tombent, se relèvent ou n'ont plus la force.

Loser fleur bleue ou Monsieur tout-le-monde, ils se dévoilent sans fard et ça sonne terriblement juste. On les suit sur un court instant dans une situation ou on les retrouve au détour d’une nouvelle sans s’y attendre. Et comme un fil conducteur, il y a un personnage Samuel que l'on suit sur plusieurs années .

Entre nouvelles et microfictions, j’ai été émue, j’ai souri, j’ai eu des poissons dans les yeux et j’ai eu le cœur serré. Ce n’est pas parce qu'apparaît un drôle de zèbre qui commençait à faire parler de lui Miossec (et son album adoré Boire) que j’ai dévoré ce livre.
Non, c’est un ensemble que j’ai aimé sans aucune exception, une surprise, une sincérité , une écriture et des instants de vie croqués sur le vif avec finesse et sensibilité.

Autant de portraits qui parlent d'hommes d'aujourd'hui avec leurs attentes, leurs espoirs, leurs déceptions, les peines et leurs bonheurs. À noter la superbe couverture, une invitation à plonger avec eux dans la vie.

https://claraetlesmots.blogspot.com/2019/04/pierre-theobald-boys.html

8,90
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3 avril 2019

Par une belle journée d’août 1969, Georges fait une belle surprise à sa femme Katherine car il a pris sa journée au travail. Avec leurs quatre enfants, ils laissent derrière eux pour quelque heures Belfast et le quartier protestant dans lequel cette famille catholique réside. Alors que Katherine se baigne, elle voit un phoque. Déstabilisée, paniquée et pourtant bonne nageuse, elle manque de peu de se noyer.

George et Katherine forment un couple comme un autre pourrait-on dire. Georges, pompier volontaire de surcroît, semble un père et un mari aimant, Katherine est une mère au foyer dévouée avec quatre enfants en bas âge. L’incident clos, la vie aurait pu reprendre son cours comme avant. Mais la peur ressentie par Katherine a déverrouillé la porte de souvenirs enfouis.
1949, Katherine fait partie d’une troupe de théâtre amateur. Après sa journée de travail, la jeune femme, déjà fiancée à Georges, aime se plonger dans le rôle de Carmen. Et c’est au théâtre ou plutôt dans les coulisses qu’elle rencontre Tom. Entre eux deux, l’étincelle est immédiate. Ce qui aurait pu être une histoire banale d’amour contrariée par le destin ou par les événements prend une autre dimension.

L'auteur entretient des intrigues sur les deux périodes et les personnages se dévoilent sous un autre jour. Avec les éléments du passé qui apparaissent peu à peu, la vie du couple si soudé en apparence laisse entrevoir bien des failles. Les choix de vie avec les remords ou les regrets engendrés sont mis en avant et Michèle Forbes a su installer un climat où les suspicions sont contrebalancées par des épisodes plus légers et plus gais.
Mais voilà, au vu de la quatrième de couverture, je m’attendais à ce que le contexte et les conséquences de la division entre catholiques et protestants aient une place plus importante (en lisant Belfast, 1969 et tensions dans les rues, je m’étais déjà plus ou moins imaginé le roman que j'aurais souhaité avoir entre les mains. Eh oui...)
Malgré des qualités (l’intensité qui monte en crescendo et un vrai sens de l’orchestration des personnages), l'écriture trop lyrique à mon goût, quelques petites longueurs m'ont tenue à distance. Dommage que les personnages se révèlent tardivement.
Un avis en demi-teinte pour conclure.

15,00
Conseillé par
1 avril 2019

À Grenoble, Leone Acampora, un vieux mafieux, est sur le point de rendre l’âme. Hospitalisé et dans le coma, ce n’est plus qu’une question de jours. La famille, c’est sacré et particulièrement dans la mafia. Parce que sa future veuve Michèle lui a été quelquefois infidèle, Leone a mis un contrat sur tête pour qu'elle l’accompagne dans sa dernière demeure.

Mises au courant, ses deux filles Dina et Alissa se chargent de la protéger. Assumant parfaitement l’héritage familial, Alissa a en partie repris le flambeau de son père. Elle combine sa pharmacie et la vente de drogue. Ambitieuse, elle voit voit plus grand au niveau local : éradiquer la concurrence et régner sur le marché. Quant à Dina, si elle travaille dans une ONG, c'est une manière à ses yeux de racheter les mauvaises actions de sa famille. Même si les deux sœurs sont sur des longueurs d’onde opposées dans leurs choix, elles s’unissent pour contrer le projet de leur père. Ajoutez des crapules, des clans et vous obtenez ce polar entraînant aux accents féministes qui, non seulement fait sourire, mais engendre également des réflexions chez le lecteur.
On ne s’ennuie pas une seule seconde avec ces héroïnes bien décidées à jeter un grand coup de pied dans la fourmilière masculine, c'est énergique et frais. Pascale Dietrich envoie valser les préjugés sur la gent féminine, étrille les systèmes patriarcaux et certaines ONG plus intéressées par l'argent que par leurs missions premières.
Avec une écriture acérée et un humour espiègle, ce polar est savoureux et piquant comme il le faut. Une petite friandise à ne pas se refuser.

"Heureusement, Michèle n'avait pas à se soucier de son avenir. Les veuves de mafieux ont droit à une pension et bénéficient d'un statut privilégié jusqu'à la fin de leurs jours. Dans le Système, les hommes morts sont aussi au moins aussi utiles que les vivants."

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29 mars 2019

Début des années 70, en Charente, Pia est une fillette de onze ans, une fille de la campagne comme on dit. Dans un petit hameau, elle vit au rythme des travaux agricoles avec son frère et ses quatre sœurs. Toujours prête à donner un coup de main à ses parents qui travaillent la terre en fermage et élèvent quelques vaches laitières. Leurs racines sont en Italie d’où ils sont originaires.

À travers la voix de Pia, on s’évade dans un champ, on court à en perdre haleine, on observe la nature, petits plaisirs et jeux d’une enfance qui sent le plein air et la débrouillardise. Aider les parents, ramasser le bois ou baratter le beurre au son des rires de la fratrie. Une famille où on se serre la ceinture : les vêtements servent d’un enfant à un autre, pas de dépenses inutiles ou frivoles. Mais c’est aussi l’amour que lui donne ses parents, les vacances chez sa grand-mère, son amie Laure, les conversations sérieuses des adultes autour de la table où les soupirs et les silences trahissent les difficultés et la peur de l'avenir. Les paysans veulent se regrouper et se faire entendre, et parlent de créer un syndicat agricole. Pour Pia, il y a l’entrée au collège et l’internat qui se profile accompagnée d’appréhensions. Une sphère inconnue avec ses codes et ses règles.

La fin de l’enfance marque le début de l’adolescence et la sécheresse de l’année 1976 précipite la faillite de certains paysans. Son père est obligé de devenir ferrailleur. Si au collège, elle découvre la solitude et les remarques acides, la poésie se fait réconfortante et précieuse. Tandis que les amitiés de l’enfance se délitent certaines fermes se retrouvent inhabitées. Mutation d’un monde agricole où les plus petits sont à l’agonie.

L'auteure rend un hommage vibrant et nostalgique à un monde paysan et à celui de l’enfance. Il y aurait beaucoup à rajouter car elle aborde également les thèmes de l’exil et de la condition sociale. D'une écriture poétique sans fioriture et avec un sens du détail qui fait mouche, Paola Pigani a su traduire à merveille et avec justesse les sentiments, les perceptions et le regard de l'enfant puis de l'adolescente.
Ce livre a résonné en moi tant j’y ai retrouvé des souvenirs et des sensations qui ont fait briller mes yeux d’enfants.
Un roman dont je suis sortie le cœur vrillé d’émotions et avec un sentiment d’une tendresse lumineuse infinie.

https://claraetlesmots.blogspot.com/2019/03/paola-pigani-des-orties-et-des-hommes.html