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Les Nigauds de l'oubli et autres saloperies, roman

Ilaria Gremizzi

Le Castor Astral

  • Conseillé par
    14 juin 2013

    Lily est une jeune pré-ado en plein questionnement en Franz sera son interlocuteur bien malgré lui parfois ainsi que Rex, le réfrigérateur-miroir, qui lui ne lui répond pas... quoique, certains jours... "Rex, qu'il y avait écrit sur sa porte, en grandes lettres magnétiques. Rex comme le tyrannosaure. Rex le tyran. Pourquoi tyran ? Parce que je m'y voyais.

    J'étais grosse et je m'y voyais : une masse trapue reflétée dans le lac noir." (p.43) Lily est un peu enveloppée, pas très à cheval sur la propreté : "Il me semblait que la toilette d'une femme se faisait toute seule, comme par magie. Un jour, la magie s'estompait et on devenait de vieilles pies, laides, indésirables -sèches et fragiles comme des meringues, ou grosses et molles comme des boules de pâte à pizza. Jeanne s'enfermait souvent dans la salle de bain, elle verrouillait la porte. On n'avait pas le droit d'entrer, ni Ronnie ni moi. J'écoutais ses bruits, je comprenais encore moins. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire ? Elle ôtait un déguisement ? Elle priait les dieux d'une religion sauvage ? Elle se lavait, tout simplement ? Cela faisait de la mousse ? On n'entendait pas vraiment l'eau couler." (p.101). Ronnie a quasiment démissionné de son rôle de père, préférant s'intéresser aux extra-terrestres et Jeanne est là, qui fait de son mieux ; restent donc Franz et Rex !
    De l'avis de tou(te)s ceux qui ont lu ce livre, il est bizarre, étonnant et enthousiasmant, voyez ce qu'en disent Keisha, Clara ou d'autres sur Babelio. Je ne détonnerai absolument pas, ce roman, malgré quelques longueurs, des passages un peu moins intéressants est un pur plaisir. L'auteure, italienne qui écrit en français, joue avec les mots, les expressions, les assonances, les allitérations, les aphorismes, les néologismes, à la manière d'un Queneau (j'ai même parfois pensé à Zazie et écoutant parler Lily, vers la fin surtout, lorsqu'elle bouscule un peu Franz) ; je ne compare pas, évidemment, je note juste les images qui me sont venues à ma lecture. Les dialogues sont gentiment délirants, surréalistes :
    "-Pourquoi tu ne viendrais pas ?
    - J'ai peur des trous.
    - Ah bon ?
    - Je souffre de trouphobie. [...]
    - Je suis désolée. Tous les trous ? La serrure, l'évier, les prises électriques ?
    - Les pires jours, oui.
    - Depuis longtemps ?
    - Depuis deux jours.
    - C'est récent. Qui t'a fait ton diagnostic ?
    - Moi-même. Devant un bout de gruyère, je n'ai pas tenu le coup. Je suais. Je me suis enfui sur le balcon de Jeanne." (p.236/237)
    Une vraie réussite que ce roman. Jubilatoire. Formidable. Et pourtant il ne s'y passe pas grand'chose : ce n'est que la vie d'une jeune fille, ses questions et ses tourments avec en plus des digressions diverses et très variées, sur le cheval, les visagistes, le maquillage, les extra-terrestres, les poules comme thérapies contre la dépression, des interludes, ... et des titres de chapitres à l'ancienne, très drôles, comme "D'un déménagement qui fut pris pour un meurtre et de mes grands travaux pour devenir femme." Ou encore "Chapitre hors série : Où l'on découvre qui je suis. Présentation un peu tardive de l'héroïne."
    Si vous aimez les lectures décalées, un peu étranges, drôles (mais pas uniquement), extra-ordinaires, dans lesquelles l'auteure s'en donne à coeur joie et le lecteur aussi, ce roman est inévitable.


  • Conseillé par
    27 mai 2013

    Comment vous parler de cet OVNI littéraire ? Parce qu’il s’agit livre truculent, iconoclaste, pétillant, drôle et sensible. Et si c’est un roman à l’envers, plein de ratages, de fautes, de maladresse, de trucs qui se passent malgré nous, il y aussi Lily la narratrice âgée de treize ans. Habitant dans un petit village S*. près de Milan où rien ne se passe avec son père Ronny coiffeur de profession et Jeanne sa belle-mère. Si tout commence par la mort de Voltaire, le chat de Lily, on découvre les pensées, le quotidien de cette jeune fille dans une famille un peu barrée. Entre son père dont l’arrivée des visagistes est un désastre pour son commerce (ce qui ne l’empêche pas de s’intéresser de très près aux extra-terrestresà, sa belle-mère à la taille de guêpe (à en être complexée quand on est un peu enrobée comme Lily), et Franz un inconnu hébergé chez eux qui ne sort jamais et dont Lily va apprendre pourquoi il se cache, on ne s’ennuie pas une seule seconde ! Pourtant ce roman ne recèle pas d’aventures. Cette vie morne racontée par Lily qui fait des digressions, expliquant le pourquoi de certains points avec un franc-parler prend une autre dimension. Elle ferre le lecteur et là impossible de lâcher ce livre !

    On pourrait croire que l’on va se perdre dans des dédales mais l'auteure mène sa barque en jouer avec nous et avec les mots grâce à un mélange de fraîcheur, une écriture étonnante et savoureuse !Surprenant sous bien des aspects, ce livre sort des sentiers battus et je me suis régalée ! Une tranche de vie où les questions, les préoccupations des plus anodines aux plus sérieuses de Lily m’ont fait rire et émue.
    Malgré un petit bémol concernant le rythme qui s’essouffle un peu avant la fin, je dis bravo car Illaria Gremmizzi dont le français n'est pas la langue natale bouscule les conventions littéraires et c’est réussi.
    Même s'il n'est pas parfait, j'ai pris un immense plaisir à le lire ! Rien que les notes de bas de page valent le détour ( et sachez en passant que j’adore la brandade de morue…).


  • Conseillé par
    14 mai 2013

    Hors du commun !

    Je n’avais aucune idée du contenu de ce roman lorsque je l’ai ouvert mais j’avais été suffisamment intriguée par sa couverture criblée de mots pour avoir envie de me pencher sur son cas.
    J’ai donc commencé à lire … et j’ai été sidérée par son écriture ! Un mélange détonant de gouaille, de poésie et d’humour, un feu d’artifice ininterrompu de grandes ou petites remarques qui font mouche, servis par une imagination, pas seulement langagière, tout ce qu’il y a de plus réjouissant.
    Alors j’ai continué, vous vous en doutez, parce que des rencontres comme ça, on n’en fait pas tous les jours ! Mais j’étais un peu inquiète : qu’est-ce que ça allait donner, sur la durée ? Ce n’est pas rien, un roman ! Et même avec une plume inspirée, il faut tenir la route (et retenir le lecteur), avoir matière à récit, quoi !
    Eh bien mon inquiétude n’était pas de mise : le quotidien de Lily, tel qu’elle le raconte (mais je crois qu’elle pourrait me raconter n’importe quoi tant j’aime sa manière de s’exprimer et ses considérations sur les choses et les gens), a capté mon attention de bout en bout (enfin presque : pour être honnête, j’ai trouvé que ça s’essoufflait un peu sur la fin … ou alors c’était moi ?). J’ai vécu avec cette jeune demoiselle les inquiétudes que suscite chez elle la situation de son père, l’attachement qu’elle lui porte, sa fascination pour le mystérieux Franz et bien d’autres choses encore. Pour autant je n’ai pas dévoré ce roman. Parce que, à mon avis, ce n’est pas un roman qu’on dévore (même une gourmande comme moi), mais une tranche de vie dont on veille à savourer les textures diablement originales.

    « Les nigauds de la vie et autres saloperies » met en scène des personnages pas si communs que cela car un tantinet décalés par rapport à leur(s) vie(s) modestes et auxquels, mine de rien, on s’attache drôlement. Avant tout, c’est un bouquin incroyable, de ceux qui vous rappellent qu’écrire est l’art de débusquer les mots pour les pousser hors de leurs retranchements : l’auteur (dont la langue natale est l’italien) le fait ici de manière remarquable. Chapeau !